La Maison de Kade & Kellen

La Maison de Kade & Kellen

(bon, on barre la voiture dans le coin, hein)

<< Tu es sur que je suis le bienvenu? Me demanda Than en descendant du cheval.
-Mais oui, le rassurais-je en posant une main sur son épaule. >>

Il s'habituait petit à petit, à être manchot, à ne se servir que du bras gauche. Mme Krisk lui avait apprit à écrire avec la main gauche, et il devenait de plus en plus habile.

Je m'approchais du perron, en inspirant une bouffée d'air. La maison de Kade et Kellen restait tout aussi belle que dans mes souvenirs, aux briques rouges aux larges fenêtres de demeures impériales. Ma main frappa doucement à la porte de chêne, et, quelques instants plus tard, Kade vint m'ouvrir.
Il n'avait pas l'air très ravi de me revoir, mais il cachait poliment son agacement.

Un silence gêné se fit, avant que je finisse par me balancer d'un pied sur l'autre.

<< Salut...souris-je, gênée. Eh ben...contente de te revoir.
-Ouais. >>

<< Bonjour, fit poliment Than, à mes côtés. Je suis Than Othello, heureux que vous m'accueilliez.
-Kade, se présenta mon ex. >>

Les deux hommes se serrèrent la main, d'un geste très masculin et ferme.
Kade nous fit entrer, et je vis Kellen, dans la pièce, en train de préparer une flammekueche.

<< ça sent bon, souris-je. >>

Kellen fut un peu moins froid que son frère, et hocha la tête en me disant:

<< Passe le bonjour à Kiara.
-Avec plaisir.
-Tu mange avec nous? Me demanda Kade.
-Heu...bredouillais-je. Non, non. J'ai...des courses à faire. >>

A vrai dire, je n'avais pas très envie de rester.

<< Bon, eh bien...fit Kade en se tournant vers Than. Je vais vous montrer votre chambre, et votre salle de bain.
-Merci, le remercia le vieil homme. >>

Je reculais discrètement vers la sortie, laissant les trois mâles entre eux.

Après deux heures de fatigue intense sur le terrain, je décidais d'aller rendre visite à Than. Cela faisait quelques jours que je ne l'avais plus vu. A vrai dire...Ahàron me le rappelait souvent : je n'avais plus le temps de rien depuis que je passais mon temps à m'entrainer. Je soupirais en espérant que mon bien-aimé ne m'en voulait pas trop. Je ne voulais pas lui faire de mal.

J'attendis sur le perron, patiemment, que l'on aille m'ouvrir. Finalement, ce fut Than lui-même qui me salua d'un grand sourire. J'avais apprit que les deux frères et lui s'entendaient plutôt bien, et j'en étais heureuse.

<< Salut fillette!
-Tu vas bien? Fis-je d'une voix douce, un sourire s'étalant sur mes lèvres. >>

Mais sa bonne mine me suffisait. Je vis derrière lui une ombre féminine, et, intriguée, me penchais en avant. Ce fut une joyeuse surprise de voir Mme Krisk, reboutonnant son manteau de daim.

<< Bonjour Châan! S'écria-t-elle en attrapant son sac-à-main. >>

Je ne pus m'empêcher de constater qu'elle avait un joli teint rosé sur les joues, et j'inclinais gentiment la tête à son passage. L'infirmière s'arrêta derrière moi, sa bouche se fendant d'un drôle de sourire mi-figue, mi-raisin.

<< Bon, eh bien...émit-elle d'un ton à la fois gêné et heureux. >>

Than lui fit un petit geste, assez attendrissant.

<< A bientôt, Esmé. >>

Mme Krisk lui fit un dernier sourire, me salua du regard et s'en alla d'une démarche légère.

<< Alors, toi et elle...fis-je observer gaiement à Than. >>

Le quadragénaire mit un temps avant de comprendre le sous-entendu de ma demi-phrase qui restait suspendue dans l'air.

<< Oh...murmura-t-il en secouant la tête. Ne vas pas t'imaginer des choses. Nous ne sommes...que de simples amis. Oui. De simples amis. >>

Je ne pus m'empêcher de voir ses joues rosies, et pouffais tout en entrant. J'étais sincèrement soulagée de voir Than heureux. Nup me parlait souvent de sa mère, lorsque nous étions plus jeune, me racontant combien elle était douce et bonne selon les dires rêveurs et torturés de son père. Malheureusement, cette-dernière était morte lorsque Nup avait tout juste atteint sa troisième année. L'évocation de Nup me serra la gorge et j'eus envie de m'accroupir pour laisser passer le flot de tristesse qui me submergea.

<< Bon...fis-je en secouant la tête pour remettre de l'ordre. Si on montait? >>

Than m'entraîna au dernier étage (donc le troisième, encore au-dessus de celui de Kade), là où il vivait. C'était un étage au plafond plus bas, et aux nombreuses corniches abritant moult histoires. Il avait un grand lit de chêne, coincé dans une vaste pièce aux murs de pierre grise et aux diverses petites fenêtres, percées tel les hublots d'un bateau de pêche.

<< C'était pour discuter de toi, fis-je en m'asseyant sur une chaise rembourrée de paille. Cela fait maintenant une petite quinzaine de jours que tu vis chez Kade et Kellen, et...
-Ils sont sympathiques, sourit-il. Mais je ne vais pas rester indéfiniment ici. Ils sont jeunes et la présence d'un vieillard n'est jamais trop agréable. >>

Il agrémenta le tout d'une drôle de grimace comique.

<< Il est temps que j'aille chercher tes affaires aux Terres Brunes, poursuivis-je. Ce ne sera pas long, je suis en vacances et mes amies sont parties...Il me faudrait à peine une semaine.
-Je peux le faire, éructa Than d'une voix douce, posant une paume paternelle sur mon bras.
-Je refuse totalement! M'exclamais-je. C'est hors de question! Imaginons que...que Fetrus te surprenne...Ici tu es en sécurité. Et puis un tel voyage ne serait que négatif pour ta santé...Je ne peux pas permettre que tu y ailles.
-C'est toi la plus en danger, si tu y vas, me coupa-t-il. >>

C'était vrai, pour sûr. Mais j'étais prudente.

<< Je ne me ferais pas remarquer. J'y suis déjà allée, et pour bien plus important. Un peu de vacances ne va pas me faire de mal! M'exclamais-je en souriant.
-Tu en parles comme si tu partais en touriste, soupira-t-il en m'ébouriffant les cheveux.
-Justement, le rassurais-je. Tu n'as pas à t'inquiéter.
-De toute façon...je ne parviendrais pas à te retenir, soupira-t-il.
-Exactement!
-Reviens-moi...chuchota-t-il, les yeux plus tristes que jamais. Ma fille. >>

La façon dont il prononça ces paroles me coupa le souffle. Bien sur, je l'avais toujours considéré comme mon père, mais je ne pensais pas que la réciproque était vraie aussi...Je clignais des yeux pour ne pas montrer mon émotion. J'étais si heureuse, si émue qu'il me considère comme son enfant! C'était un si grand réconfort, de se savoir protégée par un adulte aimant...Oui, Than était un père. Et j'étais sa fille.

<< Ah...et aussi, poursuivit-il.
-Oui? Murmurais-je.
-Régane. Tu sais...elle et Nup devaient se marier. >>

Je hochais la tête, l'incitant à continuer.

<< Elle ne sait rien de ce qui s'est passé. Elle ne sait même pas où est son fiancé...Elle l'aimait beaucoup, tu sais. Je crois qu'elle mérite de savoir, au lieu de se ronger les sangs. Dis-lui.
-Bien sur, le rassurais-je. Je ferais tout mon possible. >>

Je me levais alors, mettant fin à notre discussion.

<< Tu vas me manquer, souris-je pauvrement.
-Toi aussi. >>

Je me retirais doucement, descendant les escaliers. Je pensais partir rapidement - après tout, je n'avais pas grand chose à faire là-bas, hormis chercher l'argent de Than et annoncer le deuil de Nup à Régane. Le plus dur serait de dire au revoir à Ahàron, même si cela ne serait que pour quelques jours.